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LA VEUVE.

S’il m’aimoit, je l’aimois ; et les seules rigueurs
De ses cruels parents divisèrent nos cœurs :
On l’éloigna de moi par ce maudit usage[1]
Qui n’a d’égard qu’aux biens pour faire un mariage ;
1765Et son père jamais ne souffrit son retour,
Que ma foi n’eût ailleurs engagé mon amour.
En vain à cet hymen j’opposai ma constance ;
La volonté des miens vainquit ma résistance.
Mais je reviens à vous, en qui je vois portraits[2]
1770De ses perfections les plus aimables traits.
Afin de vous ôter désormais toute crainte
Que dessous mes discours se cache aucune feinte,
Allons trouver Philiste, et vous verrez alors
Comme en votre faveur je ferai mes efforts.

CÉLIDAN.

1775Si de ce cher objet j’avois même assurance[3],
Rien ne pourroit jamais troubler mon espérance.

DORIS.

Je ne sais qu’obéir, et n’ai point de vouloir.

CÉLIDAN.

Employer contre vous un absolu pouvoir !
Ma flamme d’y penser se tiendroit criminelle.

CHRYSANTE.

1780Je connois bien ma fille, et je vous réponds d’elle.
Dépêchons seulement d’aller vers ces amants.

  1. Var. On l’éloigna de moi, vu le peu d’avantage
    Qui se trouva pour lui dedans mon mariage,
    Et jamais le retour ne lui fut accordé
    Qu’ils ne vissent mon lit d’Acaste possédé. (1634-57)
  2. Portraire, peindre, tracer.
  3. Var. Il faudroit de ma belle une même assurance.
    Et rien ne pourroit plus troubler mon espérance.
    dor. Monsieur, où Madame est je n’ai point de vouloir.
    CEL. Employer contre vous son absolu pouvoir !
    Ma flamme d’y penser deviendroit criminelle. (1634-57)