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LA VEUVE.

Scène II.

CÉLIDAN.

Qu’Alcidon maintenant soit de feu pour Clarice,
Qu il ait de son parti sa traîtresse nourrice,
Que d’un ami trop simple il fasse un ravisseur,
1610Qu’il querelle Philiste, et néglige sa sœur,
Enfin qu’il aime, dupe, enlève, feigne, abuse.
Je trouve mieux que lui mon compte dans sa ruse :
Son artifice m’aide, et succède si bien,
Qu’il me donne Doris, et ne lui laisse rien.
1615Il semble n’enlever qu’à dessein que je rende,
Et que Philiste après une faveur si grande
N’ose me refuser celle dont ses transports
Et ses faux mouvements font rompre les accords.
Ne m’offre plus Doris, elle m’est toute acquise ;
1620Je ne la veux devoir, traître, qu’à ma franchise ;
Il suffit que ta ruse ait dégagé sa foi :
Cesse tes compliments, je l’aurai bien sans toi.
Mais pour voir ces effets allons trouver le frère :
Notre heur s’accorde mal avecque sa misère[1],
1625Et ne peut s’avancer qu’en lui disant le sien.


Scène III.

ALCIDON, CÉLIDAN.
CÉLIDAN.

Ah ! je cherchois une heure avec toi d’entretien ;
Ta rencontre jamais ne fut plus opportune.

  1. Var. Notre heur, incompatible avecque sa misère,
    Ne se peut avancer qu’en lui disant le sien. (1634-57)