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LA VEUVE.

1525Je sentirois mon mal puissamment soulagé[1],
Si du moins un ami m’en étoit obligé.
Ce cavalier, au reste, a tous les avantages
Que l’on peut remarquer aux plus braves courages,
Beau de corps et d’esprit, riche, adroit, valeureux,
1530Et surtout de Doris à l’extrême amoureux.

DORIS.

Toutes ces qualités n’ont rien qui me déplaise,
Mais il en a de plus une autre fort mauvaise,
C’est qu’il est ton ami : cette seule raison
Me le feroit haïr, si j’en savois le nom.

ALCIDON.

1535Donc pour le bien servir il faut ici le taire[2] ?

DORIS.

Et de plus lui donner cet avis salutaire,
Que s’il est vrai qu’il m’aime et qu’il veuille être aimé,
Quand il m’entretiendra, tu ne sois point nommé ;
Qu’il n’espère autrement de réponse que triste.
1540J’ai dépit que le sang me lie avec Philiste,
Et qu’ainsi malgré moi j’aime un de tes amis.

ALCIDON.

Tu seras quelque jour d’un esprit plus remis.
Adieu : quoi qu’il en soit, souviens-toi, dédaigneuse[3],
Que tu hais Alcidon qui te veut rendre heureuse.

DORIS.

1545Va, je ne veux point d’heur qui parte de ta main.

  1. Var. Je sentirois mon mal de beaucoup soulagé. (1634-57)
  2. Var. Donc, pour le bien servir, il me le faudroit taire ? (1634)
    Var. Donc, pour le bien servir, il me faut vous le taire ? (1644-57)
  3. Var. Je m’en vais : cependant souviens-toi, rigoureuse. (1634-57)