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ACTE IV, SCÈNE VI.

1460Et mon crime ne vient que d’être trop fidèle.
Mais, Monsieur, le croit-on ?

CÉLIDAN.

Mais, Monsieur, le croit-on ?N’en doute aucunement.
Le bruit est qu’on t’apprête un rude châtiment.

LA NOURRICE.

Las ! que me dites-vous ?

CÉLIDAN.

Las ! que me dites-vous ?Ta maîtresse en colère
Jure que tes forfaits recevront leur salaire ;
1465Surtout elle s’aigrit contre ta pâmoison.
Si tu veux éviter une infâme prison,
N’attends pas son retour.

LA NOURRICE.

N’attends pas son retour.Où me vois-je réduite,
Si mon salut dépend d’une soudaine fuite[1],
Et mon esprit confus ne sait où l’adresser[2] ?

CÉLIDAN.

1470J’ai pitié des malheurs qui te viennent presser :
Nourrice, fais chez moi, si tu veux, ta retraite[3] ;
Autant qu’en lieu du monde elle y sera secrète.

LA NOURRICE.

Oserois-je espérer que la compassion…

CÉLIDAN.

Je prends ton innocence en ma protection.
1475Va, ne perds point de temps : être ici davantage
Ne pourroit à la fin tourner qu’à ton dommage.
Je te suivrai de l’œil, et ne dis encor rien,
Comme après je saurai m’employer pour ton bien :
Durant l’éloignement ta paix se pourra faire.

  1. Var. Mon salut dépend donc d’une soudaine fuite,
    Et mon esprit confus ne peut où l’adresser ! (1634)
  2. C’est-à-dire ne sait de quel côté diriger ma fuite.
  3. Var. Nourrice, j’ai chez moi, si tu veux, ta retraite. (1634)