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ACTE IV, SCÈNE IV.

Balancer un tel choix avec inquiétude[1],
Ce seroit me noircir de trop d’ingratitude.

CÉLIDAN.

Mais te priver pour moi de ce que tu chéris !

ALCIDON.

1350C’est taire mon devoir, te quittant ma Doris,
Et me venger d’un traître, épousant sa Clarice.
Mes discours ni mon cœur n’ont aucun artifice.
Je vais, pour confirmer tout ce que je t’ai dit,
Employer vers Doris mon reste de crédit ;
1355Si je la puis gagner, je te réponds du frère,
Trop heureux à ce prix d’apaiser ma colère !

CÉLIDAN.

C’est ainsi que tu veux m’obliger doublement ;
Vois ce que je pourrai pour ton contentement.

ALCIDON.

L’affaire, à mon avis, deviendroit plus aisée,
1360Si Clarice apprenoit une mort supposée…

CÉLIDAN.

De qui ? de son amant ? Va, tiens pour assuré
Qu’elle croira dans peu ce perfide expiré.

ALCIDON.

Quand elle en aura su la nouvelle funeste,
Nous aurons moins de peine à la résoudre au reste.
1365On a beau nous aimer, des pleurs sont tôt séchés,
Et les morts soudain mis au rang des vieux péchés


Scène V.

CÉLIDAN.

Il me cède à mon gré Doris de bon courage ;

  1. Var. Ma raison en ce choix n’a point d’incertitude,
    Puisque l’un est justice et l’autre ingratitude. (1634-57)