Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/593

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
467
ACTE IV, SCÈNE IV.

Scène IV.

CÉLIDAN, ALCIDON.
CÉLIDAN.

Mon cœur à ses douleurs s’attendrit de pitié[1] ;
Il montre une franchise ici trop naturelle,
Pour ne te pas ôter tout sujet de querelle.
L’affaire se traitoit sans doute à son desçu,
1310Et quelque faux soupçon en ce point t’a déçu.
Va retrouver Doris, et rendons-lui Clarice.

ALCIDON.

Tu te laisses donc prendre à ce lourd artifice,
À ce piège, qu’il dresse afin de me duper[2] ?

CÉLIDAN.

Romproit-il ces accords à dessein de tromper ?
1315Que vois-tu là qui sente une supercherie ?

ALCIDON.

Je n’y vois qu’un effet de sa poltronnerie,
Qu’un lâche désaveu de cette trahison[3].
De peur d’être obligé de m’en faire raison.
Je l’en pressai dès hier ; mais son peu de courage
1320Aima mieux pratiquer ce rusé témoignage,
Par où m’éblouissant il put un de ces jours
Renouer sourdement ces muettes amours.
Il en donne en secret des avis à Florange :
Tu ne le connois pas ; c’est un esprit étrange.

CÉLIDAN.

1325Quelque étrange qu’il soit, si tu prends bien ton temps,
Malgré lui tes desirs se trouveront contents.

  1. Var. Le cœur à ses douleurs me saigne de pitié. (1634-60)
  2. Var. À ce piége qu’il dresse afin de m’attraper. (1634-57)
  3. Var. Un lâche désaveu de cette trahison. (1648)