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LA VEUVE.

Et puisqu’il est ainsi, le ciel fait bien connoître[1]
1285Que son juste courroux a soin de me venger[2].

PHILISTE.

Quel plaisir, Alcidon, prends-tu de m’outrager ?
Mon amitié se lasse, et ma fureur m’emporte ;
Mon âme pour sortir ne cherche qu’une porte.
Ne me presse donc plus dans un tel désespoir[3] :
1290J’ai déjà fait pour toi par delà mon devoir.
Te peux-tu plaindre encor de ta place usurpée[4] ?
J’ai renvoyé Géron à coups de plat d’épée ;
J’ai menacé Florange, et rompu les accords[5]
Qui t’avoient su causer ces violents transports.

ALCIDON.

1295Entre des cavaliers une offense reçue
Ne se contente point d’une si lâche issue ;
Va m’attendre…

CÉLIDAN.

Arrêtez, je ne permettrai pas
Qu’un si funeste mot termine vos débats.

PHILISTE.

Faire ici du fendant tandis qu’on nous sépare[6],
1300C’est montrer un esprit lâche autant que barbare.
Adieu, mauvais, adieu : nous nous pourrons trouver ;
Et si le cœur t’en dit, au lieu de tant braver,
J’apprendrai seul à seul, dans peu, de tes nouvelles.
Mon honneur souffriroit des taches éternelles
1305À craindre encor de perdre une telle amitié.

  1. Var. Et puisqu’il est ainsi, le ciel fait bien paroître. (1634-60)
  2. Var. Que son juste courroux a voulu me venger. (1634)
  3. Var. Ne me presse donc plus dedans mon désespoir, (1634-60)
  4. Var. Te peux-tu plaindre encor de ta place occupée ? (1634-57)
  5. Var. J’ai menacé Florange, et rompu des accords
    Qui te causoient jadis ces violents transports, (1634-57)
  6. Var. Faire ici du fendant alors qu’on nous sépare, (1634-60)