Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/587

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
461
ACTE IV, SCÈNE I.

« Va lui dire qu’il perd sa maîtresse et la nôtre ; »
Et puis incontinent, me prenant pour un autre,
1185Elle m’alloit traiter en auteur du forfait ;
Mais ma fuite a rendu sa fureur sans effet.

PHILISTE.

Elle nomme du moins celui qu’elle en soupçonne ?

LYCAS.

Ses confuses clameurs n’en accusent personne,
Et même les voisins n’en savent que juger.

PHILISTE.

1190Tu m’apprends seulement ce qui peut m’affliger,
Traître, sans que je sache où pour mon allégeance
Adresser ma poursuite et porter ma vengeance.
Tu fais bien d’échapper ; dessus toi ma douleur,
Faute d’un autre objet, eût vengé ce malheur :
1195Malheur d’autant plus grand que sa source ignorée
Ne laisse aucun espoir à mon âme éplorée,
Ne laisse à ma douleur, qui va finir mes jours,
Qu’une plainte inutile, au lieu d’un prompt secours :
Foible soulagement en un coup si funeste[1] ;
1200Mais il s’en faut servir, puisque seul il nous reste.
Plains, Philiste, plains-toi, mais avec des accents
Plus remplis de fureur qu’ils ne sont impuissants ;
Fais qu’à force de cris poussés jusqu’en la nue,
Ton mal soit plus connu que sa cause inconnue ;
1205Fais que chacun le sache, et que par tes clameurs
Clarice, où qu’elle soit, apprenne que tu meurs.
Clarice, unique objet qui me tiens en servage,
Reçois de mon ardeur ce dernier témoignage[2] :
Vois comme en te perdant je vais perdre le jour.
1210Et par mon désespoir juge de mon amour.

  1. Var. Vain et foible soulas en un coup si funeste. (1634-57)
  2. Var. Reçois donc de mes feux ce dernier témoignage. (1634-57)