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ACTE III, SCÈNE VII.
CHRYSANTE.

Soufriez que la raison règle votre courage ;
1060Considèrez, mon fils, quel heur, quel avantage,
L’affaire qui se traite apporte à votre sœur.
Le bien est en ce siècle une grande douceur :
Étant riche, on est tout[1] ; ajoutez qu’elle-même
N’aime point Alcidon, et ne croit pas qu’il l’aime.
1065Quoi ! voulez-vous forcer son inclination ?

PHILISTE.

Vous la forcez vous-même à cette élection :
Je suis de ses amours le témoin oculaire.

CHRYSANTE.

Elle se contraignoit seulement pour vous plaire.

PHILISTE.

Elle doit donc encor se contraindre pour moi.

CHRYSANTE.

1070Et pourquoi lui prescrire une si dure loi ?

PHILISTE.

Puisqu’elle m’a trompé, qu’elle en porte la peine.

CHRYSANTE.

Voulez-vous l’attacher à l’objet de sa haine ?

PHILISTE.

Je veux tenir parole à mes meilleurs amis,
Et qu’elle tienne aussi ce qu’elle m’a promis.

CHRYSANTE.

1075Mais elle ne vous doit aucune obéissance.

PHILISTE.

Sa promesse me donne une entière puissance.

CHRYSANTE.

Sa promesse, sans moi, ne la peut obliger.

PHILISTE.

Que deviendra ma foi, qu’elle a fait engager ?

  1. Quiconque est riche est tout.
    (Boileau, Satire VIII.)