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ACTE III, SCÈNE IV.

Je me tuois moi-même à tous coups de lui dire
Que mon âme pour lui n’a que de la froideur,
Et que je lui ressemble en ce que notre ardeur
995Ne s’explique à tous deux point du tout par la bouche[1] ;
Enfin que je le quitte.

CHRYSANTE.

Enfin que je le quitte.Il est donc une souche,
S’il ne peut rien comprendre en ces naïvetés.
Peut-être y mêlois-tu quelques obscurités ?

DORIS.

Pas une ; en mots exprès je lui rendois son change[2],
1000Et n’ai couvert mon jeu qu’au regard de Florange[3].

CHRYSANTE.

De Florange ! et comment en osois-tu parler ?

DORIS.

Je ne me trouvois pas d’humeur à rien celer ;
Mais nous nous sûmes lors jeter sur l’équivoque.

CHRYSANTE.

Tu vaux trop. C’est ainsi qu’il faut, quand on se moque.
1005Que le moqué toujours sorte fort satisfait[4] ;
Ce n’est plus autrement qu’un plaisir imparfait,
Qui souvent malgré nous se termine en querelle.

DORIS.

Je lui prépare encore une ruse nouvelle[5]
Pour la première fois qu’il m’en viendra conter.

CHRYSANTE.

1010Mais pour en dire trop tu pourras tout gâter[6].

  1. Var. Ne s’explique à tous deux nullement par la bouche. (1634-57)
  2. Rendre le change à quelqu’un, lui donner son change, c’est, suivant Furetière, lui répliquer fortement, lui rendre la pareille. Voyez le Lexique.
  3. Au regard de Florange, en ce qui regarde Florange, dans ce que je lui ai dit de Florange.
  4. Var. Que le moqué toujours reste fort satisfait, (1634)
  5. Var. Je lui présente encore une ruse nouvelle. (1634)
  6. Var. Mais pour en dire trop tu pourrois tout gâter. (1634-60)