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LA VEUVE.
PHILISTE.

Je te vois accablé d’un chagrin si profond,
Que j’excuse aisément ta réponse un peu crue.
Mais que fais-tu si triste au milieu d’une rue ?
885Quelque penser fâcheux te servoit d’entretien ?

ALCIDON.

Je rêvois que le monde en l’âme ne vaut rien,
Du moins pour la plupart ; que le siècle où nous sommes[1]
À bien dissimuler met la vertu des hommes ;
Qu’à peine quatre mots se peuvent échapper[2]
890Sans quelque double sens afin de nous tromper ;
Et que souvent de bouche un dessein se propose,
Cependant que l’esprit songe à toute autre chose.

PHILISTE.

Et cela t’affligeoit ? Laissons courir le temps,
Et malgré ses abus, vivons toujours contents[3].
895Le monde est un chaos, et son désordre excède
Tout ce qu’on y voudroit apporter de remède.
N’ayons l’œil, cher ami, que sur nos actions ;
Aussi bien, s’offenser de ses corruptions,
À des gens comme nous ce n’est qu’une folie.
900Mais pour te retirer de ta mélancolie[4],
Je te veux faire part de mes contentements.
Si l’on peut en amour s’assurer aux serments,
Dans trois jours au plus tard, par un bonheur étrange,
Clarice est à Philiste.

ALCIDON.

Clarice est à Philiste.Et Doris, à Florange.

  1. Var. Au moins pour la plupart ; que le siècle où nous sommes. (1634-57)
  2. Var. Qu’à grand’peine deux mots se peuvent échapper. (1634-57)
  3. Var. Et malgré les abus vivons toujours contents. (1634)
  4. Var. Or pour te retirer de la mélancolie. (1634 et 52-57)
    Var Or pour te retirer de ta mélancolie (1644 et 48)
    Var. Mais pour te retirer de la mélancolie. (1660 et 63)