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ACTE III, SCÈNE I.

Que je te veux de mal[1] de cette retenue !
Est-ce ainsi qu’entre amis on vit à cœur ouvert ?

CÉLIDAN.

Mon feu, qui t’offensoit, est demeuré couvert ;
Et si cette beauté malgré moi l’a fait naître,
820J’ai su pour ton respect l’empêcher de paroître.

ALCIDON.

Hélas ! tu m’as perdu, me voulant obliger ;
Notre vieille amitié m’en eût fait dégager[2].
Je souffre maintenant la honte de sa perte,
Et j’aurois eu l’honneur de te l’avoir offerte,
825De te l’avoir cédée, et réduit mes désirs
Au glorieux dessein d’avancer tes plaisirs.
Faites, Dieux tout-puissants, que Philiste se change[3],
Et l’inspirant bientôt de rompre avec Florange,
Donnez-moi le moyen de montrer qu’à mon tour
830Je sais pour un ami contraindre mon amour[4].

CÉLIDAN.

Tes souhaits arrivés, nous t’en verrions dédire ;
Doris sur ton esprit reprendroit son empire :
Nous donnons aisément ce qui n’est plus à nous.

ALCIDON.

Si j’y manquois, grands Dieux ! je vous conjure tous
835D’armer contre Alcidon vos dextres vengeresses.

CÉLIDAN.

Un ami tel que toi m’est plus que cent maîtresses ;
Il n’y va pas de tant ; résolvons seulement
Du jour et des moyens de cet enlèvement.

ALCIDON.

Mon secret n’a besoin que de ton assistance.

  1. L’édition de 1682 a seule du mal pour de mal.
  2. Var. Vu que notre amitié m’en eût fait dégager. (1634-57)
  3. Var. Mais faites que l’humeur de Philiste se change,
    Grands Dieux, et l’inspirant de rompre avec Florange. (1634-57)
  4. Var. Pour un ami je sais étouffer mon amour. (1634-57)