Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
XLIV
NOTICE BIOGRAPHIQUE

célébrer, tant sous cette dénomination que sous celle d’Iris, Comment ce chrétien austère, déjà sur le penchant de l’âge, parvient-il à parler de sa passion poétique à la jeune et jolie comédienne, sans scandaliser et sans faire sourire ? comment sait-il prendre un ton presque badin, sans rien perdre de sa dignité ? c’est ce qu’il est plus facile de sentir que d’expliquer, et nous ne saurions mieux faire que de renvoyer le lecteur aux poésies mêmes : « Iris, dit le poëte,

Iris, que pourriez-vous faire
D’un galant de cinquante ans[1] ? »

Cependant, si déraisonnable que lui paraisse cet amour, il s’y laisse entraîner, et l’on sent que sous la frivolité apparente du langage se cache un sentiment profond, qui nous paraît s’être prolongé plus encore qu’on ne l’a cru. Est-il bien hardi de supposer que c’est ce sentiment qui a inspiré à Corneille, dans les pièces postérieures à ce temps, ses types de vieillards amoureux, très-neufs dans la tragédie, et d’une vérité fort originale[2] ? L’élégie Sur le départ d’Iris se termine de façon à faire croire que cet hommage fut le terme de ce commerce de galanterie[3] ; mais les vers amoureux continuèrent : il suffit pour le voir de feuilleter les œuvres de Corneille. Cette disposition d’esprit aidant, il fit bon accueil aux présents et aux propositions encourageantes de Foucquet, qui l’engageait à travailler de nouveau pour le théâtre. Voici en quels termes il lui répond :

Je sens le même feu, je sens la même audace
Qui fit plaindre le Cid, qui fit combattre Horace ;
Et je me trouve encor la main qui crayonna
L’âme du grand Pompée et l’esprit de Cinna.
Choisis-moi seulement quelque nom dans l’histoire
Pour qui tu veuilles place au temple de la Gloire[4].

Entre plusieurs sujets que le Surintendant lui proposa, Corneille s’arrêta à celui d’Œdipe[5]. La pièce réussit parfaitement,

  1. Tome X, p. 168.
  2. 2. Voyez tome X, p. 146, note 2.
  3. Tome X, p. 148 et 149.
  4. Tome VI, p. 122.
  5. Tome VI, p. 124.