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XLIII
SUR PIERRE CORNEILLE.

Mon illustre compatriote,
Dont l’âme est à présent dévote,
Détruisant cette folle erreur,
Qui me mettoit presque en fureur,
Mon âme est aujourd’hui ravie
De te restituer la vie.

Les rares petites pièces de vers échappées à Corneille vers ce temps-là se distinguent presque toutes par leur caractère sérieux. Nous citerons l’épitaphe d’Elisabeth Ranquet, morte au mois d’avril 1654, à Briquebec, en odeur de sainteté[1] ; un sonnet d’un tour très-ferme, pour obtenir la confirmation des lettres de noblesse de 1637, mises en question par la déclaration du 30 décembre 1656[2] ; un autre, plein de fierté, placé en 1657 par Campion en tête de ses Hommes illustres[3]. Ce n’était plus d’ailleurs qu’avec peine que Corneille se décidait à écrire de ces petites poésies. Gilles Boileau, qui lui avait demandé des vers sur la mort du président Pomponne de Bellièvre, et auquel il répondit, à ce qu’il paraît, qu’il n’avait ni le talent de louer, ni celui de blâmer, fait vivement ressortir le contraste que forme un refus ainsi motivé avec la conduite qu’il avait tenue précédemment. En exhalant sa mauvaise humeur à cette occasion, il énumère une série d’opuscules, dont quelques-uns n’ont pas encore été retrouvés[4].

Corneille étant parvenu à la cinquantaine tout occupé de graves pensées, de pieuses résolutions, semblait s’être pour jamais éloigné du théâtre, lorsqu’un incident assez simple vint changer ses nouvelles habitudes, modifia ses dispositions, et lui fit reprendre ses anciens travaux. En 1658, la troupe de Molière s’établit à Rouen vers Pâques, et y resta jusqu’au mois d’octobre. Un auteur dramatique, même devenu marguillier, a bien du mal à ne point fréquenter le théâtre, surtout lorsqu’on y joue ses pièces, et il lui est difficile de rester indifférent à la vue des belles et aimables personnes qui y remplissent avec éclat les principaux rôles. On remarquait principalement dans cette troupe la du Parc, assez habituellement appelée « la Marquise. » Corneille, charmé, se mit bientôt à la

  1. Tome X, p. 133.
  2. Tome X, p. 135.
  3. Tome X, p. 137.
  4. Tome X, p. 473-476.