Tant que par la douceur d’une longue hantise
Comme insensiblement elle se trouve prise.
C’est par là que l’on sème aux dames des appas[1],
Qu’elles n’évitent point, ne les prévoyant pas.
Leur haine envers l’amour pourroit être un prodige,
Que le seul nom les choque, et l’effet les oblige[2].
Suive qui le voudra ce procédé nouveau[3] :
Mon feu me déplairoit caché sous ce rideau.
Ne parler point d amour ! Pour moi, je me défie
Des fantasques raisons de ta philosophie :
Ce n’est pas là mon jeu. Le joli passe-temps,
D’être auprès d’une dame et causer du beau temps
Lui jurer que Paris est toujours plein de fange,
Qu’un certain parfumeur vend de fort bonne eau d’ange[4],
Qu’un cavalier regarde un autre de travers,
Que dans la comédie on dit d’assez bons vers,
Qu’Aglante avec Philis dans un mois se marie[5] !
Change, pauvre abusé, change de batterie,
Conte ce qui te mène, et ne t’amuse pas
À perdre innocemment les discours et tes pas[6].
Je les aurois perdus auprès de ma maîtresse,
Si je n’eusse employé que la commune adresse,
- ↑ Voyez plus haut, p. 148, le vers 96 de Mélite, et la note qui s’y rapporte.
- ↑ C’est-à-dire, leur haine contre l’amour aurait beau être extrême, prodigieuse, elle ne tomberait jamais que sur le nom, et non pas sur la chose.
- ↑ Var. Suive qui le voudra ce nouveau procédé :
Mon feu me déplairoit d’être ainsi gourmandé. (1634-57) - ↑ On appelle eau d’ange « une eau d’une odeur très-agréable, faite de fleurs d’orange, musc, cannelle, et autres choses odoriférantes. » (Dictionnaire de l’Académie de 16994.)
- ↑ Var. Qu’un tel dedans le mois d’une telle s’accorde !
Touche, pauvre abusé, touche la grosse corde. (1634) - ↑ Var. À perdre sottement tes discours et tes pas. (1634-57)