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EXAMEN

je croyois lors fort raisonnable entre la rigueur ds vingt et quatre heures et cette étendue libertine qui n’avoit aucunes bornes. Mais elle a ce même défaut dans le particulier de la durée de chaque acte, que souvent celle de l’action excède de beaucoup celle de la représentation. Dans le commencement du premier, Philiste quitte Alcidon pour aller faire des visites avec Clarice, et paroit en la dernière scène avec elle au sortir de ces visites, qui doivent avoir consumé toute l’après-dînée, ou du moins la meilleure partie. La même chose se trouve au cinquième : Alcidon y fait partie avec Célidan d’aller voir Clarice sur le soir dans son château, où il la croit encore prisonnière, et se résout de faire part de sa joie à la nourrice, qu’il n’oseroit voir de jour, de peur de faire soupçonner l’intelligence secrète et criminelle qu’ils ont ensemble ; et environ cent vers après, il vient chercher cette confidente chez Clarice, dont il ignore le retour. Il ne pouvoit être qu’environ midi quand il en a formé le dessein, puisque Célidan venoit de ramener Clarice (ce que vraisemblablement il a fait le plus tôt qu’il a pu, ayant un intérêt d’amour qui le pressoit[1] de lui rendre ce service en faveur de son amant) ; et quand il vient pour exécuter cette résolution, la nuit doit avoir déjà assez d’obscurité pour cacher cette visite qu’il lui va rendre. L’excuse qu’on pourroit y donner, aussi bien qu’à ce que j’ai remarqué de Tircis dans Mélite, c’est qu’il n’y a point de liaison de scènes, et par conséquent point de continuité d’action. Ainsi on[2] pourroit dire que ces scènes détachées qui sont placées l’une après l’autre ne s’entresuivent pas immédiatement, et qu’il se consume un temps notable entre la fin de l’une et le commencement de

  1. Var. (édit. de 1660) : qui le presse.
  2. Var. (édit. de 1660-1664) : l’on.