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XLII
NOTICE BIOGRAPHIQUE

devises choisies avec une ingénieuse recherche, soit par lui soit par ses amis, on n’aura pas de peine à croire que Corneille, qui avait toujours été (Polyeucte ne permet guère d’en douter) un chrétien sincère, ait, en s’éloignant du théâtre, embrassé avec ferveur les pratiques de la dévotion.

Les documents que nous venons de mentionner ne devaient pas être ignorés au moment de la mort de Corneille. Si l’on ne s’occupa pas alors de les réunir, c’est qu’à cette époque on ne s’intéressait qu’aux œuvres d’un poëte, non à sa personne, et encore, parmi ses œuvres, aux plus brillantes et aux plus célèbres. Quant aux commentateurs et aux biographes du dix-huitième siècle, Voltaire et Fontenelle, ils n’auraient eu garde d’insister sur ces détails, même s’ils les eussent connus. Ces vérités auraient été de celles que ce dernier eût gardées dans sa main, car d’ordinaire les critiques de ce temps ne poussaient pas la sincérité jusqu’à rapporter, en historiens fidèles, même les faits contraires à leurs convictions.

Pendant cette période de la vie de Corneille, éclairée dans ces dernières années, comme nous venons de le voir, d’un jour nouveau, on fit courir encore le bruit de sa mort, qui fut démenti en ces termes par Loret, dans la Muse historique du 2 janvier 1655 :

Par je ne sais quels colporteurs
Un de nos plus fameux auteurs
Fut occis dès l’autre semaine,
C’est-à-dire, ils prirent la peine
De crier partout son trépas,
Quoique défunt il ne fût pas.
Cet auteur est Monsieur Corneille,
Qui du Parnasse est la merveille,
Dans la France fort estimé,
Et surtout beaucoup renommé
Pour ses beaux poëmes comiques,
Mais encor plus pour les tragiques,
Par lesquels il a mérité
D’ennoblir sa postérité,
Dès le temps de ce prince auguste
Que l’on nommoit Louis le Juste.
Divin génie ! esprit charmant !
Rare honneur du pays normand !