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ACTE V, SCÈNE III.

Porteroit ton espoir à trop de confiance,
Que pour craindre trop peu tu devinerois mal.

ROSIDOR.

Quoi ! la Reine ose encor soutenir mon rival ?
Et sans avoir d’horreur d’une action si noire…

CALISTE.

1430Elle a l’âme trop haute et chérit trop la gloire
Pour ne pas s’accorder aux volontés du Roi,
Qui d’un heureux hymen récompense ta foi…

ROSIDOR.

Si notre heureux malheur a produit ce miracle,
Qui peut à nos désirs mettre encor quelque obstacle ?

CALISTE.

Tes blessures.

ROSIDOR.

1435Tes blessures.Allons, je suis déjà guéri.

CALISTE.

Ce n’est pas pour un jour que je veux un mari,
Et je ne puis souffrir que ton ardeur hasarde
Un bien que de ton roi la prudence retarde.
Prends soin de te guérir, mais guérir tout à fait,
Et crois que tes desirs…

ROSIDOR.

1440Et crois que tes desirs…N’auront aucun effet.

CALISTE.

N’auront aucun effet ! qui te le persuade ?

ROSIDOR.

Un corps peut-il guérir, dont le cœur est malade ?

CALISTE.

Tu m’as rendu mon change, et m’as fait quelque peur ;
Mais je sais le remède aux blessures du cœur.
1445Les tiennes, attendant le jour que tu souhaites,
Auront pour médecins mes yeux qui les ont faites :
Je me rends désormais assidue à te voir.