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CLITANDRE.

Le ciel te garde encore un destin plus tragique.
N’importe, vif ou mort, les gouffres des enfers
Auront pour ton supplice encor de pires fers[1].
Là mille affreux bourreaux t’attendent dans les flammes ;
1250Moins les corps sont punis, plus ils gênent les âmes,
Et par des cruautés qu’on ne peut concevoir,
Ils vengent l’innocence au delà de l’espoir[2].
Et vous, que désormais je n’ose plus attendre,
Prince, qui m’honoriez d’une amitié si tendre,
1255Et dont l’éloignement fait mon plus grand malheur[3],
Bien qu’un crime imputé noircisse ma valeur,
Que le prétexte faux d’une action si noire
Ne laisse plus de moi qu’une sale mémoire[4],
Permettez que mon nom, qu’un bourreau va ternir,
1260Dure sans infamie en votre souvenir,
Ne vous repentez point de vos faveurs passées :
Comme chez un perfide indignement placées :
J’ose, j’ose espérer qu’un jour la vérité
Paroîtra toute nue à la postérité,
1265Et je tiens d’un tel heur l’attente si certaine,
Qu’elle adoucit déjà la rigueur de ma peine ;
Mon âme s’en chatouille, et ce plaisir secret
La prépare à sortir avec moins de regret.

  1. Var. Auront pour ton supplice encor des pires fers. (1652 et 57)
  2. Var. Vengent les innocents par delà leur espoir. (1632-57)
  3. Var. Et dont l’éloignement fut mon plus grand malheur. (1632-57)
  4. Var. N’aille laisser de moi qu’une sale mémoire. (1632-57)