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XXXVII
SUR PIERRE CORNEILLE.

raires. Une discussion des plus frivoles, mais qui néanmoins conservait, ainsi que l’a remarqué notre poëte, quelque chose de l’ardeur des passions du moment, occupa vivement les esprits. Il s’agissait de se déterminer entre le sonnet d’Uranie, par Voiture, et celui de Job, par Benserade. Corneille, prié de se prononcer à ce sujet, écrivit tour à tour trois petites pièces, bien marquées au coin de cette réserve propre, dit-on, aux caractères normands et dans lesquelles il est impossible de deviner auquel des deux poètes il donne vraiment la préférence[1]. Peut-être, au fond du cœur, avait-il pour ces deux productions, alors si goûtées, une indifférence égale, que nous serions, pour notre compte, très-disposé à lui pardonner.

Enfin le calme devint assez grand pour permettre de représenter Andromède et Don Sanche, qui se suivirent de fort près dans un ordre assez difficile à déterminer[2].

Au moment où Corneille venait de faire représenter Andromède, il se trouva investi pour un temps de fonctions publiques, qu’il ne regretta pas plus, sans doute, lorsqu’il les quitta, qu’il ne les avait souhaitées quand on l’en revêtit. Le 1er février 1650, le Roi et la Reine mère quittèrent Paris pour Rouen, où Mazarin vint les rejoindre le 3 du même mois[3]. Plusieurs des créatures du duc de Longueville, gouverneur de Normandie, alors prisonnier à Vincennes, furent destituées pendant ce voyage royal, et la Gazette et divers actes découverts par M. Floquet au greffe de Rouen, et qu’on trouvera à la suite de cette notice[4], établissent que le 15 février le sieur Bauldry, procureur des états de Normandie, fut remplacé dans ses fonctions par Pierre Corneille, ce qui lui valut, dans l’Apologie particulière pour M. le duc de Longueville, une attaque d’ailleurs fort adoucie par l’estime dont jouissait le poëte. Après un éloge très-complaisamment développé du sieur Bauldry, l’auteur anonyme parle en ces termes de celui par qui on l’a remplacé : « On lui a donné un successeur qui sait fort bien faire des vers pour le théâtre,

  1. Tome X, p. 125-128.
  2. Voyez tome V, p. 399 et 400.
  3. Gazette de 1650, p. 184, et p. 307 et 308.
  4. Voyez Pièces justificatives, n° IX.