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CLITANDRE.

Je n’ai plus rien en moi qui n’en veuille à sa vie.
1070Sus donc, qui me la rend ? Destins, si votre envie,
Si votre haine encor s’obstine à mes tourments[1],
Jusqu’à me réserver à d’autres châtiments,
Faites que je mérite, en trouvant l’inhumaine,
Par un nouveau forfait, une nouvelle peine ;
1075Et ne me traitez pas avec tant de rigueur,
Que mon feu ni mon fer ne touchent point son cœur.
Mais ma fureur se joue, et demi-languissante,
S’amuse au vain éclat d’une voix impuissante.
Recourons aux effets, cherchons de toutes parts ;
1080Prenons dorénavant pour guides les hasards[2].
Quiconque ne pourra me montrer la cruelle[3],
Que son sang aussitôt me réponde pour elle ;
Et ne suivant ainsi qu’une incertaine erreur,
Remplissons tous ces lieux de carnage et d’horreur.

(Une tempête survient.)

1085Mes menaces déjà font trembler tout le monde :
Le vent fuit d’épouvante, et le tonnerre en gronde ;
L’œil du ciel s’en retire, et par un voile noir,
N’y pouvant résister, se défend d’en rien voir ;
Cent nuages épais se distillant en larmes,
1090À force de pitié, veulent m’ôter les armes ;
La nature étonnée embrasse mon courroux[4],
Et veut m’offrir Dorise, ou devancer mes coups.
Tout est de mon parti : le ciel même n’envoie
Tant d’éclairs redoublés qu’afin que je la voie.
1095Quelques lieux où l’effroi porte ses pas errants[5],

  1. Var. Implacable pour moi, s’obstine à mes tourments,
    Si vous me réservez à d’autres châtiments. (1632-57)
  2. Var. Prenons dorénavant pour guide les hasards. (644-57)
  3. Var. Quiconque rencontré n’en saura de nouvelle. (1632 et 48)
    Var. Quiconque rencontré n’en saura la nouvelle. (1644 et 52-57)
  4. Var. L’univers, n’ayant pas de force à m’opposer.
    Me vient offrir Dorise afin de m’apaiser. (1632-57)
  5. Var. Quelque part où la peur porte ses pas errants. (1632-57)