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CLITANDRE.

860Et payé vos ardeurs d’une infidélité ?
Vous ne répondez point ; cette rougeur confuse,
Quoique vous vous taisiez, clairement vous accuse.
Brisons là : ce discours vous fâcheroit enfin,
Et c’étoit pour tromper la longueur du chemin,
865Qu’après plusieurs discours, ne sachant que vous dire[1],
J’ai touché sur un point dont votre cœur soupire.
Et de quoi fort souvent on aime mieux parler
Que de perdre son temps à des propos[2] en l’air[3].

DORISE.

Ami, ne porte plus la sonde en mon courage :
870Ton entretien commun me charme davantage ;
Il ne peut me lasser, indifférent qu’il est[4] ;
Et ce n’est pas aussi sans sujet qu’il me plaît.
Ta conversation est tellement civile,
Que pour un tel esprit ta naissance est trop vile ;
875Tu n’as de villageois que l’habit et le rang ;
Tes rares qualités te font d’un autre sang ;
Même, plus je te vois, plus en toi je remarque
Des traits pareils à ceux d’un cavalier de marque :
il s’appelle Pymante, et ton air et ton port
880Ont avec tous les siens un merveilleux rapport[5].

PYMANTE.

J’en suis tout glorieux, et de ma part je prise
Votre rencontre autant que celle de Dorise,
Autant que si le ciel, apaisant sa rigueur,
Me faisoit maintenant un présent de son cœur.

  1. Var. Qu’après plusieurs devis, n’ayant plus où me prendre,
    J’ai touché par hasard une chose si tendre,
    Dont beaucoup toutefois aiment bien mieux parler. (1632-57)
  2. Dans les éditions de 1668 et de 1682, il y a en des propos ; mais ce pourrait bien être une faute : toutes les autres donnent à des propos.
  3. Var. Que de perdre leur temps à des propos en l’air. (1632-63)
  4. Var. Il ne me peut lasser, indifférent qu’il est. (1632-60)
  5. Var. Ont avecque les siens un merveilleux rapport. (1632-60)