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ACTE II, SCÈNE VI.

Recherche maintenant, par un plus juste effet,
Une fausse innocence à cacher ton forfait.
Quelle honte importune au visage te monte
Pour un sexe quitté dont tu n’es que la honte ?
535Il t’abhorre lui-même ; et ce déguisement,
En le désavouant, l’oblige pleinement[1].
Après avoir perdu sa douceur naturelle,
Dépouille sa pudeur, qui te messied sans elle ;
Dérobe tout d’un temps, par ce crime nouveau,
540Et l’autre aux yeux du monde, et ta tête au bourreau.
Si tu veux empêcher ta perte inévitable,
Deviens plus criminelle, et parois moins coupable.
Par une fausseté tu tombes en danger,
Par une fausseté sache t’en dégager.
545Fausseté détestable, où me viens-tu réduire ?
Honteux déguisement, où me vas-tu conduire ?
Ici de tous côtés l’effroi suit mon erreur,
Et j’y suis à moi-même une nouvelle horreur[2] :
L’image de Caliste à ma fureur soustraite
550Y brave fièrement ma timide retraite.
Encor si son trépas secondant mon desir
Mêloit à mes douleurs l’ombre d’un faux plaisir !
Mais tels sont les excès du malheur qui m’opprime[3],
Qu’il ne m’est pas permis de jouir de mon crime ;
555Dans l’état pitoyable où le sort me réduit,

  1. Var. En le désavouant l’oblige infiniment. (1632-57)
  2. Var. Et je suis à moi-même une nouvelle horreur :
    Cet insolent objet de Caliste échappée
    Tient et brave toujours ma mémoire occupée. (1632-57)
  3. Var. Mais, hélas ! dans l’excès du malheur qui m’opprime.
    Il ne m’est point permis de jouir de mon crime (a).
    Mon jaloux aiguillon, de sa rage séduit,
    En mérite la peine et n’en a pas le fruit.
    Le ciel, qui contre moi soutient mon ennemie,
    Augmente son honneur dedans mon infamie. (1632-57)
    (a). Il ne m’est pas permis de jouir de mon crime. (1644)