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CLITANDRE.

niques de leur royaume ? Ma scène est donc en un château d’un roi, proche d’une forêt ; je n’en détermine ni la province ni le royaume : où vous l’aurez une fois placée, elle s’y tiendra. Que si l’on remarque des concurrences[1] dans mes vers, qu’on ne les prenne pas pour des larcins. Je n’y en ai point laissé que j’aye connues, et j’ai toujours cru que pour belle que fût une pensée, tomber en soupçon de la tenir d’un autre, c’est l’acheter plus qu’elle ne vaut ; de sorte qu’en l’état que je donne cette pièce au public, je pense n’avoir rien de commun avec la plupart des écrivains modernes, qu’un peu de vanité que je témoigne ici.



ARGUMENT.

Rosidor, favori du Roi, étoit si passionnément aimé de deux des filles de la Reine, Caliste et Dorise, que celle-ci en dédaignoit Pymante, et celle-là Clitandre. Ses affections toutefois n’étoient que pour la première, de sorte que cette amour mutuelle n’eût point eu d’obstacle sans Clitandre. Ce cavalier étoit le mignon du Prince, fils unique du Roi, qui pouvoit tout sur la Reine sa mère, dont cette fille dépendoit ; et de là procédoient les refus de la Reine toutes les fois que Rosidor la supplioit d’agréer leur mariage. Ces deux damoiselles, bien que rivales, ne laissoient pas d’être amies, d’autant que Dorise feignoit que son amour n’étoit que par galanterie, et comme pour avoir de quoi répliquer aux importunités de Pymante. De cette façon, elle entroit dans la confidence de Caliste, et se tenant toujours assidue auprès

  1. Concurrences, rencontres, ici rencontres d’idées, d’expressions.