Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/375

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
249
ACTE V, SCÈNE VI.
ÉRASTE[1].

Donnez à leurs souhaits, donnez à leurs prières,
1800Donnez à leurs raisons ces faveurs singulières ;
Et pour faire aujourd’hui le bonheur d’un amant[2],
Laissez-les disposer de votre sentiment.

CLORIS[3].

En vain en ta faveur chacun me sollicite,
J’en croirai seulement la mère de Mélite :
1805Son avis m’ôtera la peur du repentir[4],
Et ton mérite alors m’y fera consentir.

TIRCIS.

Entrons donc ; et tandis que nous irons le prendre,
Nourrice, va t’offrir pour maîtresse à Philandre[5].

LA NOURRICE.
(Tous rentrent, et elle demeure seule[6].)

Là, là, n’en riez point : autrefois en mon temps
1810D’aussi beaux fils que vous étoient assez contents,
Et croyoient de leur peine avoir trop de salaire
Quand je quittois un peu mon dédain ordinaire.
À leur compte, mes yeux étoient de vrais soleils
Qui répandoient partout des rayons nompareils ;
1815Je n’avois rien en moi qui ne fût un miracle ;
Un seul mot de ma part leur étoit un oracle…
Mais je parle à moi seule. Amoureux, qu’est-ce-ci ?
Vous êtes bien hâtés de me laisser ainsi[7] !

  1. Var. éraste, à Cloris. (1648)
  2. Var. Et dans un point où gît tout mon contentement,
    Comme partout ailleurs, suivez leur jugement. (1633-57)
  3. Var. cloris, à Éraste. (1648)
  4. Var. Ayant eu son avis, sans craindre un repentir.
    Ton mérite et sa foi m’y feront consentir. (1633-57)
  5. Var. Nourrice, va t’offrir pour nourrice à Philandre. (1633)
  6. Cette indication manque dans les éditions de 1633-60.
  7. Var. Vous êtes bien pressés de me laisser ainsi. (1633-48)
    Var. Vous êtes bien hâtés de me quitter ainsi. (1664 et 68)