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MÉLITE.

Et de ce que l’excès de ma douleur sincère[1]
1740A mis tant de pitié dans le cœur de ma mère,
Que cette occasion prise comme aux cheveux,
Tircis n’a rien trouvé de contraire à ses vœux ;
Outre qu’en fait d’amour la fraude est légitime ;
Mais puisque vous voulez la prendre pour un crime,
1745Regardez, acceptant le pardon, ou l’oubli,
Par où votre repos sera mieux établi.

ÉRASTE.

Tout confus et honteux de tant de courtoisie,
Je veux dorénavant chérir ma jalousie.
Et puisque c’est de là que vos félicités…

LA NOURRICE, à Éraste.

1750Quittez ces compliments qu’ils n’ont pas mérités :
Ils ont tous deux leur compte, et sur cette assurance
Ils tiennent le passé dans quelque indifférence[2],
N’osant se hasarder à des ressentiments
Qui donneroient du trouble à leurs contentements.
1755Mais Cloris, qui s’en tait, vous la gardera bonne,
Et seule intéressée, à ce que je soupçonne,
Saura bien se venger sur vous à l’avenir
D’un amant échappé qu’elle pensoit tenir.

ÉRASTE, à Cloris.

Si vous pouviez souffrir qu’en votre bonne grâce
1760Celui qui l’en tira put occuper sa place[3].
Éraste, qu’un pardon purge de son forfait[4],
Est prêt de réparer le tort qu’il vous a fait.

  1. Var. Et de ce que l’excès de ma douleur amère. (1633-57)
  2. Var. Ils tiennent le passé dedans l’indifférence. (1633-57)
  3. Var. Celui qui l’en tira pût entrer en sa place. (1633-60)
  4. Var. Éraste, qu’un pardon purge de tous forfaits,
    Est prêt de réparer les torts qu’il vous a faits.
    Mélite répondra de sa persévérance :
    Il ne l’a pu quitter qu’en perdant l’espérance ;