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MÉLITE.

Cependant l’aspect seul des lettres d’un faussaire
Te sut persuader tellement le contraire,
Que sans vouloir m’entendre, et sans me dire adieu,
1650Jaloux et furieux tu partis de ce lieu[1].

TIRCIS.

J’en rougis, mais apprends qu’il n’étoit pas possible
D’aimer comme j’aimois, et d’être moins sensible ;
Qu’un juste déplaisir ne sauroit écouter
La raison qui s’efforce à le violenter[2] ;
1655Et qu’après des transports de telle promptitude,
Ma flamme ne te laisse aucune incertitude.

MÉLITE.

Tout cela seroit peu, n’étoit que ma bonté[3]
T’en accorde un oubli sans l’avoir mérité,
Et que, tout criminel, tu m’es encore aimable.

TIRCIS.

1660Je me tiens donc heureux d’avoir été coupable,
Puisque l’on me rappelle au lieu de me bannir,
Et qu’on me récompense au lieu de me punir.
J’en aimerai l’auteur de cette perfidie[4],
Et si jamais je sais quelle main si hardie…


Scène V.

CLORIS, TIRCIS, MÉLITE.
CLORIS.

1665Il vous fait fort bon voir, mon frère, à cajoler,

  1. Var. Furieux, enragé, tu partis de ce lieu.
    tirs. Mon cœur, j’en suis honteux, mais songe que possible,
    Si j’eusse moins aimé, j’eusse été moins sensible. (1633-57)
  2. Var. La voix de la raison qui vient pour le dompter. (1633-57)
  3. Var. Foible excuse pourtant, n’étoit que ma bonté. (1633-57)
  4. Var. mél. Mais apprends-moi l’auteur de cette perfidie.
    tirs. Je ne sais quelle main pût être assez hardie. (1633-57)