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XXV
SUR PIERRE CORNEILLE.

mais quoique ce fût là à beaucoup d’égards une tentative heureuse, elle ne satisfit entièrement ni son auteur ni le public, et le génie inquiet et infatigable de Corneille se remit en quête de sa voie, certain déjà de la trouver. L’Espagne l’attira, soit qu’il eût de lui-même donné cette direction à ses études, soit, comme on l’a prétendu, qu’il eût suivi en cela les conseils de M. de Châlon, ancien secrétaire des commandements de la Reine mère, retiré à Rouen. Ce qu’on n’a pas assez remarqué, c’est qu’il préluda au Cid par l’Illusion comique (1636). Les exagérations du capitan ne manquent sous sa plume ni de noblesse ni de dignité : il le fait en plus d’une circonstance plus réellement majestueux qu’il n’aurait fallu. Sa grande âme tournait malgré lui au sublime ; elle y était entraînée invinciblement, et Matamore parle déjà parfois le langage de Rodrigue. Ce fut dans les derniers jours de 1636 que parut ce merveilleux Cid, sur lequel nous nous étendrons d’autant moins ici, que nous en avons plus longuement exposé l’histoire dans notre édition. Le savant M. Viguier, dont les amis des lettres déplorent la perte récente, en a indiqué, dans un mémoire spécial, les origines espagnoles[1]. Quant à nous, nous avons raconté, dans la longue notice consacrée à cet ouvrage[2], tout ce que nous avons pu recueillir de relatif à ses premières représentations, à l’affluence qui s’y porta, au jeu des comédiens qui remplirent les principaux rôles ; nous avons dit la colère des confrères de Corneille et en particulier de Scudéry, la complicité de Richelieu, dont cette pièce excitait la jalousie de poëte et les légitimes susceptibilités de ministre ; nous avons exposé, dans tous ses détails, le long procès porté à cette occasion devant la juridiction littéraire de l’Académie française ; nous avons reproduit les principales pièces de ce procès, et enfin le jugement lui-même. On peut parcourir successivement l’Excuse à Ariste et le Rondeau de Corneille[3], qui ont servi de point de départ et de prétexte à toute la querelle ; les vers placés dans la dédicace de la Suivante[4] et dont on n’avait pas bien apprécié la portée, faute de remarquer qu’ils n’avaient été publiés qu’après le Cid, les Observations de Scu-

  1. Tome III, p. 207 et suivantes.
  2. Tome III, p. 3 et suivantes.
  3. Tome X, p. 74 et 79.
  4. Tome II, p. 118.