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ACTE IV, SCÈNE VI.

Parlez, et je promets d’employer mon crédit[1]
1330À vous faciliter ce passage interdit.

CLITON.

Monsieur, que faites-vous ? Votre raison troublée[2]
Par l’effort des douleurs dont elle est accablée
Figure à votre vue…

ÉRASTE.

Figure à votre vue…Ah ! te voilà, Charon ;
Dépêche promptement, et d’un coup d’aviron
1335Passe-moi, si tu peux, jusqu’à l’autre rivage.

CLITON.

Monsieur, rentrez en vous, regardez mon visage[3] :
Reconnoissez Cliton.

ÉRASTE.

Reconnoissez Cliton.Dépêche, vieux nocher,
Avant que ces esprits nous puissent approcher.
Ton bateau de leur poids fondroit[4] dans les abîmes ;
1340Il n’en aura que trop d’Éraste et de ses crimes[5].
Quoi ! tu veux te sauver à l’autre bord sans moi ?

  1. Var. Dites, et je promets d’employer mon crédit. (1633-60)
  2. Var. Monsieur, que faites-vous ? Votre raison s’égare :
    Voyez qu’il n’est ici de Styx ni de Ténare ;
    Revenez a vous-même. [ér. Ah ! te voilà, Charon.] (1633-57)
  3. Var. Monsieur, rentrez en vous, contemplez mon visage. (1633-57)
  4. Fondre, aller au fond, s’engloutir.
  5. Var. [Il n’en aura que trop d’Éraste et de ses crimes(a).]
    clit. Il vaut mieux esquiver, car avecque des fous (b)
    Souvent on ne rencontre à gagner que des coups :
    Si jamais un amant fut dans l’extravagance,
    11 s’en peut bien vanter avec toute assurance.
    éraste, se jetant sur ses épaules (c).
    Tu veux donc échapper à l’autre bord sans moi ?
    [Si faut-il qu’à ton cou je passe malgré toi.] (1633-57)
    (a). Il n’en aura que trop d’Éraste, de ses crimes. (1657)
    (b). Il vaut mieux se tirer, car avecque des fous. (1644-57)
    (c). Il se jette sur les épaules de Cliton, qui l’emporte du théâtre. (1633, en marge.)