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ACTE IV, SCÈNE VI.
ÉRASTE.

Courage ! tout va bien, le traître m’a fait place ;
1260Le seul qui me rendoit son courage de glace,
D’un favorable coup la mort me l’a ravi.

CLITON.

Monsieur, ce n’est pas tout, Mélite l’a suivi.

ÉRASTE.

Mélite l’a suivi ! que dis-tu, misérable ?

CLITON.

Monsieur, il est trop vrai : le moment déplorable[1]
1265Qu’elle a su son trépas a terminé ses jours.

ÉRASTE.

Ah ciel ! s’il est ainsi…

CLITON.

Ah ciel ! s’il est ainsi…Laissez là ces discours,
Et vantez-vous plutôt que par votre imposture
Ces malheureux amants trouvent la sépulture[2],
Et que votre artifice a mis dans le tombeau
1270Ce que le monde avoit de parfait et de beau.

ÉRASTE.

Tu m’oses donc flatter, infâme, et tu supprimes[3]
Par ce reproche obscur la moitié de mes crimes ?
Est-ce ainsi qu’il te faut n’en parler qu’à demi ?
Achève tout d’un coup : dis que maîtresse, ami[4],
1275Tout ce que je chéris, tout ce qui dans mon âme
Sut jamais allumer une pudique flamme,
Tout ce que l’amitié me rendit précieux,
Par ma fourbe a perdu la lumière des cieux[5] ;

  1. Var. Monsieur, il est tout vrai : le moment déplorable. (1633-60)
  2. Var. Ce pair d’amants sans pair est sous la sépulture. (1633-57)
    Var. Ces malheureux amants treuvent la sépulture. (1660)
  3. Var. Tu m’oses donc flatter, et ta sottise estime
    M’obliger en taisant la moitié de mon crime ? (1633-57)
  4. Var. Achève tout d’un trait : dis que maîtresse, ami. (1633-57)
  5. Var. Par ma fraude a perdu la lumière des cieux. (1633-57)