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ACTE IV, SCÈNE II.

Et mon affection ne s’est point arrêtée
Que chez un cavalier qui l’a trop méritée.

CLORIS.

Vous me pardonnerez, j’en ai de bons témoins,
1170C’est l’homme qui de tous la mérite le moins[1].

MÉLITE.

Si je n’avois de lui qu’une foible assurance,
Vous me feriez entrer en quelque défiance ;
Mais je m’étonne fort que vous l’osiez blâmer[2],
Ayant quelque intérêt vous-même à l’estimer.

CLORIS.

1175Je l’estimai jadis, et je l’aime et l’estime
Plus que je ne faisois auparavant son crime.
Ce n’est qu’en ma faveur qu’il ose vous trahir,
Et vous pouvez juger si je le puis haïr[3],
Lorsque sa trahison m’est un clair témoignage[4]
1180Du pouvoir absolu que j’ai sur son courage.

MÉLITE.

Le pousser à me faire une infidélité[5],
C’est assez mal user de cette autorité.

CLORIS.

Me le faut-il pousser où son devoir l’oblige ?
C’est son devoir qu’il suit alors qu’il vous néglige.

MÉLITE.

1185Quoi ! le devoir chez vous oblige aux trahisons[6] ?

  1. La leçon de 1657:
    C’est l’homme qui de tous l’a mérité le moins,
    est certainement une faute d’impression.
  2. Var. Mais je m’étonne fort que vous l’osez blâmer.
    Vu que pour votre honneur vous devez l’estimer. (1633-57)
  3. Var. Après cela jugez si je le peux haïr. (1633)
    Var. Jugez après cela si je le puis haïr. (1644-57)
  4. Var. Puisque sa trahison m’est un grand témoignage. (1633-57)
  5. Var. Vraiment c’est un pouvoir dont vous usez fort mal,
    Le poussant à me faire un tour si déloyal. (1633-57)
  6. Var. Quoi ! son devoir l’oblige à l’infidélité !
    clor. N’allons point rechercher tant de subtilité. (1633-57)