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ACTE IV, SCÈNE I.
MÉLITE.

Tu le places[1] au rang qui n’est dû qu’au mérite.

LA NOURRICE.

On a trop de mérite étant riche à ce point.

MÉLITE.

Les biens en donnent-ils à ceux qui n’en ont point ?

LA NOURRICE.

1135Oui, ce n’est que par là qu’on est considérable.

MÉLITE.

Mais ce n’est que par là qu’on devient méprisable :
Un homme dont les biens font toutes les vertus
Ne peut être estimé que des cœurs abattus.

LA NOURRICE.

Est-il quelques défauts que les biens ne réparent ?

MÉLITE.

1140Mais plutôt en est-il où les biens ne préparent ?
Étant riche, on méprise assez communément
Des belles qualités le solide ornement,
Et d’un luxe honteux la richesse suivie[2]
Souvent par l’abondance aux vices nous convie.

LA NOURRICE.

Enfin je reconnois…

MÉLITE.

1145Enfin je reconnois…Qu’avec tout ce grand bien[3]
Un jaloux sur mon cœur n’obtiendra jamais rien.

LA NOURRICE.

Et que d’un cajoleur la nouvelle conquête
T’imprime, à mon regret, ces erreurs dans la tête.
Si ta mère le sait…

  1. On lit dans l’édition de 1633 : tu te places, pour tu le places ; mais c’est évidemment une faute d’impression.
  2. L’édition de 1633 porte, mais ce doit être aussi une faute :
    Et d’un riche honteux la richesse suivie.
  3. Var. Enfin je reconnois…Qu’avecque tout son bien
    Un jaloux dessus moi n’obtiendra jamais rien. (1633-60)