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ACTE III, SCÈNE V.
CLORIS.

S’osera dispenser.Aussi tu me promets,
Quand lu les auras lus, de n’en parler jamais ;
Autrement, ne crois pas…

PHILANDRE, reconnoissant les lettres[1].

Autrement, ne crois pas…Cela s’en va sans dire :
Donne, donne-les-moi, tu ne les saurois lire :
1045Et nous aurions ainsi besoin de trop de temps.

CLORIS, les resserrant[2].

Philandre, tu n’es pas encore où tu prétends ;
Quelques[3] hautes faveurs que ton mérite obtienne,
Elles sont aussi bien en ma main qu’en la tienne :
Je les garderai mieux, tu peux en assurer
1050La belle qui pour toi daigne se parjurer[4].

PHILANDRE.

Un homme doit souffrir d’une fille en colère ;
Mais je sais comme il faut les ravoir de ton frère :
Tout exprès je le cherche, et son sang, ou le mien…

CLORIS.

Quoi ! Philandre est vaillant, et je n’en savois rien !
1055Tes coups sont dangereux quand tu ne veux pas feindre ;
Mais ils ont le bonheur de se faire peu craindre,
Et mon frère, qui sait comme il s’en faut guérir,
Quand tu l’aurois tué, pourroit n’en pas mourir.

PHILANDRE.

L’effet en fera foi, s’il en a le courage.

  1. Var. Il reconnaît les lettres. (1663, en marge.) (a)
    (a). Voyez plus loin, p. 232 et 253, quelle est la variante de ce jeu de scène dans l’édition de 1633, et celle du jeu de scène suivant dans les éditions de 1644-57.
  2. Var. Elle les resserre. (1663, en marge.)
  3. Telle est l’orthographe de ce mot dans toutes les éditions publiées du vivant de Corneille. Voyez le Lexique.
  4. Un des personnages de la Veuve (acte III, sc. iii) parle de la comédie de Mélite et mentionne
    Le discours de Cloris quand Philandre la quitte.