versée par une passagère amourette : tout se trouve ainsi concilié. M. Taschereau invoque, il est vrai, le propre témoignage de Corneille, qui dit dans l’excuse à Ariste[1] :
… Nul objet vainqueur
N’a possédé depuis ma veine ni mon cœur.
Mais si Corneille, qui écrivait ceci en 1637, se plaisait alors à oublier les galanteries et les caprices de sa vie de jeune homme, dans les Mélanges poétiques, publiés cinq ans auparavant, en 1632, il tenait un tout autre langage :
J’ai fait autrefois de la bête ;
J’avois des Philis à la tête[2] ;
et ailleurs :
Plus inconstant que la lune,
Je ne veux jamais d’arrêt[3].
Ce sont là, dira-t-on, des exagérations de poëte ; cela est possible ; mais il peut bien y avoir aussi dans l’Excuse à Ariste exagération de constance et de fidélité.
Quelle qu’ait été du reste l’occasion qui a donné naissance à Mélite, cette comédie eut un très-grand succès, malgré les critiques assez vives que lui attirèrent la simplicité du plan et le naturel du style. « Ceux du métier la blâmoient de peu d’effets[4], » ainsi que nous l’apprend l’auteur lui-même. Bientôt après, il composa dans un système très-différent, qui fut en ce temps un essai très-sérieux, la tragi-comédie de Clitandre (1632), qu’il aimait à présenter plus tard comme une espèce de bravade[5]. La preuve de l’importance qu’il y attacha est dans l’empressement qu’il mit à la publier avant Mélite. Clitandre est suivi de Mélanges poétiques, contenant des pièces galantes, des vers de ballet, et quelques traductions des épigrammes d’Owen[6]. Avant cette époque, Corneille n’avait encore eu d’imprimé qu’un quatrain en l’honneur de Scudéry[7], avec qui il