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XXIII
SUR PIERRE CORNEILLE.

versée par une passagère amourette : tout se trouve ainsi concilié. M. Taschereau invoque, il est vrai, le propre témoignage de Corneille, qui dit dans l’excuse à Ariste[1] :

… Nul objet vainqueur
N’a possédé depuis ma veine ni mon cœur.

Mais si Corneille, qui écrivait ceci en 1637, se plaisait alors à oublier les galanteries et les caprices de sa vie de jeune homme, dans les Mélanges poétiques, publiés cinq ans auparavant, en 1632, il tenait un tout autre langage :

J’ai fait autrefois de la bête ;
J’avois des Philis à la tête[2] ;

et ailleurs :

Plus inconstant que la lune,
Je ne veux jamais d’arrêt[3].

Ce sont là, dira-t-on, des exagérations de poëte ; cela est possible ; mais il peut bien y avoir aussi dans l’Excuse à Ariste exagération de constance et de fidélité.

Quelle qu’ait été du reste l’occasion qui a donné naissance à Mélite, cette comédie eut un très-grand succès, malgré les critiques assez vives que lui attirèrent la simplicité du plan et le naturel du style. « Ceux du métier la blâmoient de peu d’effets[4], » ainsi que nous l’apprend l’auteur lui-même. Bientôt après, il composa dans un système très-différent, qui fut en ce temps un essai très-sérieux, la tragi-comédie de Clitandre (1632), qu’il aimait à présenter plus tard comme une espèce de bravade[5]. La preuve de l’importance qu’il y attacha est dans l’empressement qu’il mit à la publier avant Mélite. Clitandre est suivi de Mélanges poétiques, contenant des pièces galantes, des vers de ballet, et quelques traductions des épigrammes d’Owen[6]. Avant cette époque, Corneille n’avait encore eu d’imprimé qu’un quatrain en l’honneur de Scudéry[7], avec qui il

  1. Voyez tome X, p. 77.
  2. Tome X, p.26.
  3. Tome X, p. 55.
  4. Tome I, p. 270.
  5. Ibidem.
  6. Tome X, p. 24 et suivantes.
  7. Tome X, p. 57.