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MÉLITE.
TIRCIS.

975Penses-tu m’arrêter par ce torrent d’injures[1] ?
Que ce soient vérités, que ce soient impostures,
Tu redoubles mes maux, au lieu de les guérir.
Adieu : rien que la mort ne peut me secourir.


Scène V.

CLORIS.

Mon frère — Il s’est sauvé ; son désespoir l’emporte :
980Me préserve le ciel d’en user de la sorte !
Un volage me quitte, et je le quitte aussi :
Je l’obligerois trop de m’en mettre en souci.
Pour perdre des amants, celles qui s’en affligent
Donnent trop d’avantage à ceux qui les négligent ;
98511 n’est lors que la joie : elle nous venge mieux,
Et la fît-on à faux éclater par les yeux,
C’est montrer par bravade à leur vaine inconstance[2]
Qu’elle est pour nous toucher de trop peu d’importance.
Que Philandre à son gré rende ses vœux contents ;
990S’il attend que j’en pleure, il attendra longtemps.
Son cœur est un trésor dont j’aime qu’il dispose ;
Le larcin qu’il m’en fait me vole peu de chose,
Et l’amour qui pour lui m’éprit si follement

  1. Var. Penses-tu, m’amusant avecque des sottises.
    Par tes détractions rompre mes entreprises ?
    Non, non, ces traits de langue épandus vainement
    Ne m’arrêteroient pas encore un seul moment. (1633-57)
  2. Var. C’est toujours témoigner que leur vaine inconstance
    Est pour nous émouvoir de trop peu d’importance.
    Aussi ne veux-je pas le retenir d’aller,
    Et si d’autres que moi ne le vont rappeler,
    Il usera ses jours à courtiser Mélite ;
    Outre que l’infidèle a si peu de mérite.
    Que l’amour qui pour lui m’éprit si follement. (1633-57)