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MÉLITE.

Ton pied mal affermi ne te soutient qu’à peine !
Quel accident nouveau te trouble ainsi les sens[1] ?

TIRCIS.

Puisque tu veux savoir le mal que je ressens,
935Avant que d’assouvir l’inexorable envie
De mon sort rigoureux qui demande ma vie,
Je vais t’assassiner d’un fatal entretien,
Et te dire en deux mots mon malheur et le tien.
En nos chastes amours de tous deux on se moque[2] :
940Philandre… Ah ! la douleur m’étouffe et me suffoque.
Adieu, ma sœur, adieu ; je ne puis plus parler[3] :
Lis, et si tu le peux, tâche à te consoler[4].

CLORIS.

Ne m’échappe donc pas.

TIRCIS.

Ma sœur, je te supplie…

CLORIS.

Quoi ! que je t’abandonne à ta mélancolie ?
945Voyons auparavant ce qui te fait mourir[5],
Et nous aviserons à te laisser courir.

TIRCIS.

Hélas ! quelle injustice !

CLORIS, après avoir lu les lettres qu’il lui a données[6].

Hélas ! quelle injustice !Est-ce là tout, fantasque ?
Quoi ! si la déloyale enfin lève le masque,
Oses-tu te fâcher d’être désabusé ?
950Apprends qu’il te faut être en amour plus rusé ;

  1. Var. Quel accident nouveau te brouille ainsi les sens ? (1633-57)
  2. Var. En nos chastes amours de nous deux on se moque. (1633-60)
  3. Var. Adieu, ma sœur, adieu ; je ne peux plus parler. (1633)
  4. Var. Lis, puis, si tu le peux, tâche à te consoler. (1633-57)
  5. Var. Non, non, quand j’aurai su ce qui te fait mourir,
    Si bon me semble alors, je te lairrai courir. (1633-57)
  6. Var. Elle lit les lettres que Tirsis lui avoit données. (1633, en marge.) — Elle lit les lettres qu’il lui a données. (1663, en marge.)