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MÉLITE.

900Vous êtes trop hardis de démentir sa bouche.
Mélite me chérit, elle me l’a juré :
Son oracle reçu, je m’en tiens assuré[1].
Que dites-vous là contre ? êtes-vous plus croyables ?
Caractères trompeurs, vous me contez des fables,
905Vous voulez me trahir ; mais vos efforts sont vains[2] :
Sa parole a laissé son cœur entre mes mains.
À ce doux souvenir ma flamme se rallume ;
Je ne sais plus qui croire ou d’elle ou de sa plume :
L’un et l’autre en effet n’ont rien que de léger ;
910Mais du plus ou du moins je n’en puis que juger.
Loin, loin, doutes flatteurs que mon feu me suggère[3] !
Je vois trop clairement qu’elle est la plus légère[4] ;
La foi que j’en reçus s’en est allée en l’air[5],
Et ces traits de sa plume osent encor parler[6].
915Et laissent en mes mains une honteuse image,
Où son cœur peint au vif remplit le mien de rage.
Oui, j’enrage, je meurs, et tous mes sens troublés[7]
D’un excès de douleur se trouvent accablés[8] ;
Un si cruel tourment me gêne et me déchire,
920Que je ne puis plus vivre avec un tel martyre[9] :

  1. Var. Son oracle reçu, je m’en tins assuré. (1633)
  2. Var. Vous voulez me trahir, vous voulez m’abuser :
    J’ai sa parole en gage et de plus un baiser. (1633-57)
  3. Var. C’est en vain que mon feu ces doutes me suggère, (1633-57)
  4. Var. Je vois très-clairement qu’elle est la plus légère. (1648-57)
  5. Var. Les serments que j’en ai s’en vont au vent jetés.
    Et ces traits de sa plume ici me sont restés,
    Qui dépeignant au vif son perfide courage,
    Remplissent de bonheur Philandre, et moi de rage. (1633-57)
  6. Var. Et ces traits de sa plume, osant encor parler,
    Laissent entre mes mains une honteuse image. (1660)
  7. Var. Oui, j’enrage, je crève, et tous mes sens troublés. (1633)
  8. Var. D’un excès de douleur succombent accablés. (1633-60)
  9. Var. [Que je ne puis plus vivre avec un tel martyre :]
    Aussi ma prompte mort le va bientôt finir ;
    Déjà mon cœur outré ne cherchant qu’à bannir
    Cet amour qui l’a fait si lourdement méprendre,