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NOTICE BIOGRAPHIQUE

vers la rue Saint-Lô, et le bureau de justice n’était autre qu’une grande table en marbre, derrière laquelle les juges étaient assis, ayant à leurs côtés et un peu au-dessus de leurs têtes, dans des niches existant encore aujourd’hui, au milieu la sainte Vierge, d’un côté Geffroy Hébert, évêque de Coutances, et de l’autre côté Antoine Boyer, abbé de Saint-Ouen[1]. » À sa charge d’avocat général à la table de marbre Corneille joignit, ainsi que son prédécesseur, celle d’avocat du Roi aux sièges généraux de l’Amirauté. M. Gosselin a prouvé récemment, dans une intéressante étude, que, malgré l’assertion, souvent reproduite, contenue dans l’article des Nouvelles de la république des lettres, ces charges n’étaient point, comme on l’a prétendu, de pures sinécures[2].

Pendant que Corneille étudiait au collège des Jésuites, il avait pris en amitié une petite fille, Marie Courant, dont il devint fort épris plus tard, et dont le bon goût, les sages conseils eurent, si nous en croyons notre poëte[3], une grande influence sur son talent. Si, ce que nous ignorons, il aspira à sa main, sa prétention fut vaine : Marie Courant fit un beau mariage ; au lieu de prendre le nom, bien modeste encore, de Corneille, elle épousa M. Thomas du Pont, correcteur en la chambre des comptes de Normandie[4].

C’est encore M. Gosselin qui nous a fait connaître le nom de famille de Mme du Pont[5]. Tant qu’on la ignoré, on était très-porté à la confondre avec Mlle Milet, dont Corneille fut amoureux plus tard, et en l’honneur de qui il composa un sonnet, dont il fut si content, qu’à en croire son frère, il fit sa comédie de Mélite (1629) tout exprès pour l’employer[6]. Je penchais fort, je l’avoue, vers cette opinion ; mais elle ne peut plus se soutenir aujourd’hui, et il faut admettre, ce qui du reste n’a rien d’invraisemblable, que l’ancienne passion, la sérieuse amitié de Corneille pour Marie Courant, a été tra-

  1. Pierre Corneille {le père), p. 4.
  2. Particularités de la vie judiciaire de Pierre Corneille, par E. Gosselin, Rouen, 1865, p. 6.
  3. Tome X, p. 77.
  4. Voyez tome I, p. 127 et 128.
  5. Particularités de la vie judiciaire de P. Corneille, p. 15.
  6. Voyez tome I, p. 126.