Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/319

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
193
ACTE III, SCÈNE II.
lettre supposé de mélite à philandre.

Je commence à m’estimer quelque chose, puisque je vous plais ; et mon miroir m’offense tous les jours, ne me représentant pas assez belle, comme je m’imagine qu’il faut être pour mériter votre affection. Aussi je veux bien que vous sachiez que Mélite ne croit la posséder que par faveur[1], ou comme une récompense extraordinaire d’un excès d’amour, dont elle tâche de suppléer au défaut des grâces que le ciel lui a refusées.

PHILANDRE.

Maintenant qu’en dis-tu ? n’est-ce pas t’affronter[2] ?

TIRCIS.

Cette lettre en tes mains ne peut m’épouvanter.

PHILANDRE.

La raison ?

TIRCIS.

835La raison ?Le porteur a su combien je t’aime,
Et par galanterie il t’a pris pour moi-même[3],
Comme aussi ce n’est qu’un de deux parfaits amis.

PHILANDRE.

Voilà bien te flatter plus qu’il ne t’est permis,
Et pour ton intérêt aimer à te méprendre[4].

TIRCIS.

840On t’en aura donné quelque autre pour me rendre,
Afin qu’encore un coup je sois ainsi déçu.

PHILANDRE.

Oui, j’ai quelque billet que tantôt j’ai reçu[5],
Et puisqu’il est pour toi…

  1. Var. Aussi la pauvre Mélite ne la croit posséder que par faveur. (1633-57)
  2. Affronter, tromper avec audace.
  3. Var. Et par un gentil trait il t’a pris pour moi-même,
    D’autant que ce n’est qu’un de deux parfaits amis. (1633-57)
  4. Var. Et pour ton intérêt dextrement te méprendre. (1633-57)
  5. Var. C’est par là qu’il t’en plaît ? oui-da ; j’en ai reçu