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ACTE III, SCÈNE II.
PHILANDRE.

Pour te faire plaisir j’en veux être d’accord.
Cependant apprends-moi comment elle te traite,
Et qui te fait juger son ardeur si parfaite[1].

TIRCIS.

805Une parfaite ardeur a trop de truchements
Par qui se faire entendre aux esprits des amants :
Un coup d’œil, un soupir[2]

PHILANDRE.

Un coup d’œil, un soupir…Ces faveurs ridicules[3]
Ne servent qu’à duper des âmes trop crédules.
N’as-tu rien que cela ?

TIRCIS.

N’as-tu rien que cela ?Sa parole et sa foi.

PHILANDRE.

810Encor c’est quelque chose. Achève, et conte-moi
Les petites douceurs, les aimables tendresses[4]
Qu’elle se plaît à joindre à de telles promesses.
Quelques lettres du moins te daignent confirmer
Ce vœu qu’entre tes mains elle a fait de t’aimer ?

TIRCIS.

815Recherche qui voudra ces menus badinages,

  1. Var. Et qui te fait juger son amour si parfaite.
    tirs. Une parfaite amour a trop de truchements. (1633-57)
  2. Far. Un clin d’œil, un soupir… (1633)
  3. Var. Ces choses ridicules
    Ne servent qu’à piper des âmes trop crédules. (1633-57)
  4. Var. Les douceurs que la belle, à tout autre (a) farouche,
    T’a laissé dérober sur ses yeux, sur sa bouche,
    Sur sa gorge, où, que sais-je ? tirs. Ah ! ne présume pas
    Que ma témérité profane ses appas,
    Et quand bien j’aurois eu tant d’heur, ou d’insolence,
    Ce secret, étouffé dans la nuit du silence,
    N’échapperoit jamais à ma discrétion,
    phil. Quelques lettres du moins pleines d’affection
    Témoignent son ardeur ? tirs. Ces foibles témoignages
    D’une vraie amitié sont d’inutiles gages ;
    Je n’en veux et n’en ai point d’antre que sa foi (b),
    phil. Je sais donc bien quelqu’un plus avancé que toi.
    tirs. Plus avancé que moi ? j’entends qui tu veux dire,
    Mais il n’a garde d’être en état de me nuire :
    Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’Éraste a son congé.
    phil. Celui dont je te parle est bien mieux partagé.
    tirs. Je ne sache que lui qui soupire pour elle. (1633-57)
    (a). On lit dans toutes les éditions indiquées : toute autre pour tout autre.
    (b). Je n’en veux et n’en ai point d’autres que sa foi. (1644-57)