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ACTE II, SCÈNE VIII.

Tircis, ce seroit trop : les rares qualités
Dispensent mon devoir de ces formalités[1].

TIRCIS.

Que d’amour et de joie un tel aveu me donne !

MÉLITE.

720C’est peut-être en trop dire, et me montrer trop bonne ;
Mais par là tu peux voir que mon affection
Prend confiance entière en ta discrétion.

TIRCIS.

Vous la verrez toujours, dans un respect sincère.
Attacher mon bonheur à celui de vous plaire,
725N’avoir point d’autre soin, n’avoir point d’autre esprit ;
Et si vous en voulez un serment par écrit,
Ce sonnet que pour vous vient de tracer ma flamme
Vous fera voir à nu jusqu’au fond de mon âme.

MÉLITE.

Garde bien ton sonnet, et pense qu’aujourd’hui
730Mélite veut te croire autant et plus que lui[2].

  1. Var. [Dispensent mon devoir de ces formalités.]
    tirs. Souffre donc qu’un baiser cueilli dessus ta bouche
    M’assure entièrement que mon amour te touche.
    mél. Ma parole suffit. tirs. Ah ! j’entends bien que c’est :
    Un peu de violence en t’excusant te plaît.
    mél. Folâtre, j’aime mieux abandonner la place,
    Car tu sais dérober avec si bonne grâce
    Que bien que ton larcin me fâche infiniment,
    Je ne puis rien donner à mon ressentiment.
    tirs. Auparavant l’adieu reçois de ma constance
    Dedans ce peu de vers l’éternelle assurance.
    mél. Garde bien ton papier, et pense qu’aujourd’hui. (1633-48)
  2. Var. [Mélite veut te croire autant et plus que lui (a).]
    tirsis. Il lui coule le sonnet dans le sein, comme elle se dérobe (b).
    Par ce refus mignard qui porte un sens contraire,
    Ton feu m’instruit assez de ce que je dois faire.
    Ô ciel ! je ne crois pas que sous ton large tour
    Un mortel eut jamais tant d’heur ni tant d’amour. (1633-48)
    (a). Mélite te veut croire autant et plus que lui. (1662-64)
    (b). tirsis, lui coulant le sonnet dans le bras. (1644 et 48)