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ACTE II, SCÈNE IV.
sonnet[1].

Après l’œil de Mélite il n’est rien d’admirable ;
Il n’est rien de solide après ma loyauté.
Mon feu, comme son teint, se rend incomparable,
Et je suis en amour ce quelle est en beauté.

485Quoi que puisse à mes sens offrir la nouveauté,
Mon cœur à tous ses traits demeure invulnérable,
Et bien quelle ait au sien la même cruauté,
Ma foi pour ses rigueurs rien est pas moins durable.

C’est donc avec raison que mon extrême ardeur
490Trouve chez cette belle une extrême froideur.
Et que sans être aimé je brûle pour Mélite ;

Car de ce que les Dieux, nous envoyant au jour,
Donnèrent pour nous deux d’amour et de mérite,
Elle a tout le mérite, et moi j’ai tout l’amour.

CLORIS.

Tu l’as fait pour Éraste ?

TIRCIS.

495Tu l’as fait pour Éraste ?Oui, j’ai dépeint sa flamme.

CLORIS.

Comme tu la ressens peut-être dans ton âme ?

TIRCIS.

Tu sais mieux qui je suis, et que ma libre humeur
N’a de part en mes vers que celle de rimeur.

CLORIS.

Pauvre frère, vois-tu, ton silence t’abuse ;
500De la langue ou des yeux, n’importe qui t’accuse[2] :

  1. Ce sonnet, composé, d’après Thomas Corneille, avant la comédie elle-même (voyez ci-dessus, p. 126), a été imprimé pour la première fois en 1632, à la page 147 des Meslanges poétiques qui suivent Clitandre. Ce texte primitif ne présente qu’une variante sans importance ; le vers 487 commence ainsi :
    Et quoiqu’elle ait, etc.
  2. Var. De la langue, des yeux, n’importe qui t’accuse. (1657 et 60)