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ACTE II, SCÈNE III.

450Mais dans la lâcheté ne crois pas que j’éclate,
Et que par la «grandeur de mes ressentiments
Je laisse aller au jour celle de mes tourments.
Un aveu si public qu’en feroit ma colère
Enfleroit trop l’orgueil de ton âme légère,
455Et me convaincroit trop de ce désir abjet[1]
Qui m’a lait soupirer pour un indigne objet.
Je saurai me venger, mais avec l’apparence
De n’avoir pour tous deux que de l’indifférence.
Il fut toujours permis de tirer sa raison
460D’une infidélité par une trahison.
Tiens, déloyal ami, tiens ton âme assurée
Que ton heur surprenant aura peu de durée,
Et que par une adresse égale à tes forfaits

    Lui faisant trop d’honneur, moi-même je m’abuse ;
    C’est contre lui qu’il faut n’employer que la ruse :
    [Il fut toujours permis de tirer sa raison
    D’une infidélité par une trahison.]
    Vis doncques, déloyal, vis, mais en assurance
    Que tout va désormais tromper ton espérance,
    Que tes meilleurs amis s’armeront contre toi,
    Et te rendront encor plus malheureux que moi.
    J’en sais l’invention, qu’un voisin de Mélite
    Exécutera trop aussitôt que prescrite.
    Pour n’être qu’un maraud, il est assez subtil.

    SCÈNE IV.
    ÉRASTE, CLITON.


    ér. Hola ! hau ! vieil ami. clit. Monsieur, que vous plaît-il ?
    ér. Me voudrois-tu servir en quelque bonne affaire ?
    clit. Dans un empêchement fort extraordinaire,
    Je ne puis m’éloigner un seul moment d’ici.
    ér. Va, tu n’y perdras rien, et d’avance voici
    Une part des effets qui suivent mes paroles.
    clit. Allons, malaisément gagne-t-on dix pistoles (a) ! (1633-57)
    (a). Après ce vers commence, sous le titre de scène v, notre scène iv, entre Tircis et Cloris.

  1. Ce mot est toujours écrit ainsi par Corneille, qui ne fait en cela que se conformer à l’usage général de son temps. Voyez le Lexique.