Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/294

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
168
MÉLITE.

Aux légitimes vœux de tant de gens d’ihonneur,
440Et d’ailleurs si facile à ceux d’un suborneur ?

MÉLITE.

Ce n’est pas contre lui qu’il faut en ma présence
Lâcher les traits jaloux de votre médisance.
Adieu : souvenez-vous que ces mots insensés
L’avanceront chez moi plus que vous ne pensez.


Scène III.

ÉRASTE.

445C’est là donc ce qu’enfin me gardoit ton caprice[1]
C’est ce que j’ai gagné par deux ans de service ?
C’est ainsi que mon feu s’étant trop abaissé
D’un outrageux mépris se voit récompensé ?
Tu m’oses préférer un traître qui te flatte[2] ;

  1. Var. C’est là donc ce qu’enfin me gardoit ta malice. (633-57)
    Var. C’est là donc ce qu’enfin me gardoit mon caprice. (1660)
  2. Var. Tu me préfères donc un traître qui te flatte ?
    Inconstante beauté, lâche, perfide, ingrate.
    De qui le choix brutal se porte au plus mal fait ;
    Tu l’estimes à faux, tu verras à l’effet,
    Par le peu de rapport que nous avons ensemble,
    Qu’un honnête homme et lui n’ont rien qui se ressemble
    Que dis-je, tu verras ? Il vaut autant que mort :
    Ma valeur, mon dépit, ma flamme en sont d’accord.
    Il suffit ; les destins bandés à me déplaire
    Ne l’arracheroient pas à ma juste colère.
    Tu démordras, parjure, et ta déloyauté
    Maudira mille fois sa fatale beauté.
    Si tu peux te résoudre à mourir en brave homme,
    Dès demain un cartel l’heure et le lieu te nomme.
    Insensé que je suis ! hélas, où me réduit
    Ce mouvement bouillant dont l’ardeur me séduit ?
    Quel transport déréglé ! Quelle étrange échappée !
    Avec un affronteur mesurer mon épée !
    C’est bien contre un brigand qui’il me faut hasarder.
    Contre un traître qu’à peine on devroit regarder !