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MÉLITE.

ACTE II.



Scène première.

ÉRASTE.

365Je l’avois bien prévu, que ce cœur infidèle[1]
Ne se défendroit point des yeux de ma cruelle,
Qui traite mille amants avec mille mépris,
Et n’a point de faveurs que pour le dernier pris.
Sitôt qu’il l’aborda, je lus sur son visage[2]
370De sa déloyauté l’infaillible présage ;
Un inconnu frisson dans mon corps épandu
Me donna les avis de ce que j’ai perdu[3].
Depuis, cette volage évite ma rencontre,
Ou si malgré ses soins le hasard me la montre,
375Si je puis l’aborder, son discours se confond,
Son esprit en désordre à peine me répond ;
Une réflexion vers le traître qu’elle aime

  1. Var. Je l’avois bien prévu que cette âme infidèle. (1633-57)
  2. Var. Même dès leur abord, je lus sur son visage. (1633-57)
  3. Var. [Me donna les avis de ce que j’ai perdu ;]
    Mais hélas ! qui pourroit gauchir sa destinée (a) ?
    Son immuable loi dans le ciel burinée
    Nous fait si bien courir après notre malheur,
    Que j’ai donné moi-même accès à ce voleur :
    Le perfide qu’il est me doit sa connoissance ;
    C’est moi qui l’ai conduit et mis en sa puiissance ;
    C’est moi qui l’engageant à ce froid compliment,
    Ai jeté de mes maux le premier fondement.
    [Depuis, cette volage évite ma rencontre.] (1633-57)
    (a). Mais il faut que chacun suive sa destinée. (1644-57)