Et tu perds tout l’effort de ta galanterie,
Si tu crois l’augmenter par une flatterie.
Une fausse louange est un blâme secret :
Je suis belle à tes yeux ; il suffit, sois discret[1] ;
C’est mon plus grand bonheur, et le seul où j’aspire.
Tu sais adroitement adoucir mon martyre[2] ;
Mais parmi les plaisirs qu’avec toi je ressens,
À peine mon esprit ose croire mes sens[3]
Toujours entre la crainte et l’espoir en balance
Car s’il faut que l’amour naisse de ressemblance,
Mes imperfections nous éloignant si fort,
Qu’oserois-je prétendre en ce peu de rapport ?
Du moins ne prétends pas qu’à présent je te loue,
Et qu’un mépris rusé, que ton cœur désavoue,
Me mette sur la langue un babil affété,
Pour te rendre à mon tour ce que tu m’as prêté :
Au contraire, je veux que tout le monde sache
Que je connois en toi des défauts que je cache.
Quiconque avec raison peut être négligé
À qui le veut aimer est bien plus obligé.
Quant à toi, tu te crois de beaucoup plus aimable ?
Sans doute ; et qu’aurois-tu qui me fût comparable ?
Regarde dans mes yeux, et reconnois qu’en moi
On peut voir quelque chose aussi parfait que toi[4].
- ↑ Var. Épargne-moi, de grâce, et songe, plus discret,
Qu’étant belle à tes yeux, plus outre je n’aspire. (1633-68) - ↑ Var. Que tu sais dextrement adoucir mon martyre ! (1633-63)
- ↑ Var. À peine mon esprit ose croire à mes sens. (1633-57)
- ↑ Var. On peut voir quelque chose aussi beau comme toi. (1633-64)