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ACTE I, SCÈNE III.

225Avec plaisir déjà prépare quelques veilles
À de puissants efforts pour de telles merveilles.

TIRCIS.

En effet avant vu tant et de tels appas,
Que je ne rime point, je ne le promets pas.

ÉRASTE.

Tes feux n’iront-ils point plus avant que la rime[1] ?

TIRCIS.

230Si je brûle jamais, je veux brûler sans crime.

ÉRASTE.

Mais si sans y penser tu te trouvois surpris ?

TIRCIS.

Quitte pour décharger mon cœur dans mes écrits.
J’aime bien ces discours de plaintes et d’alarmes.
De soupirs, de sanglots, de tourments et de larmes :
235C’est de quoi fort souvent je bâtis ma chanson ;
Mais j’en connois, sans plus, la cadence et le son.
Souffre qu’en un sonnet je m’efforce à dépeindre
Cet agréable feu que tu ne peux éteindre ;
Tu le pourras donner comme venant de toi.

ÉRASTE.

240Ainsi ce cœur d’acier qui me tient sous sa loi
Verra ma passion pour le moins en peinture.
Je doute néanmoins qu’en cette portraiture
Tu ne suives plutôt tes propres sentiments.

TIRCIS.

Me prépare le ciel de nouveaux châtiments,
245Si jamais un tel crime entre dans mon courage[2] !

ÉRASTE.

Adieu, je suis content, j’ai ta parole en gage,
Et sais trop que l’honneur t’en fera souvenir.

  1. Var. Garde aussi que tes feux n’outrepassent la rime. (1633-57)
  2. Var. Si jamais ce penser entre dans mon courage ! (1633-57)