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ACTE I, SCÈNE I.

C’est ainsi qu’autrefois j’amusai Crisolite ;
70Mais c’est d’autre façon qu’on doit servir Mélite.
Maigre tes sentiments, il me faut accorder
Que le souverain bien n’est qu’à la posséder[1].
Le jour qu’elle naquit, Vénus, bien qu’immortelle[2].
Pensa mourir de honte en la voyant si belle ;
75Les Grâces, à l’envi, descendirent des cieux[3],
Pour se donner l’honneur d’accompagner ses yeux ;
Et l’Amour, qui ne put entrer dans son courage,
Voulut obstinément loger sur son visage[4].

TIRCIS.

Tu le prends d’un haut ton, et je crois qu’au besoin
80Ce discours emphatique iroit encor bien loin.
Pauvre amant, je te plains, qui ne sais pas encore
Que bien qu’une beauté mérite qu’on l’adore,
Pour en perdre le goût, on n’a qu’à l’épouser.
Un bien qui nous est dû se fait si peu priser,
85Qu’une femme fût-elle entre toutes choisie,
On en voit en six mois passer la fantaisie.
Tel au bout de ce temps n’en voit plus la beauté[5]
Qu’avec un esprit sombre, inquiet, agité[6] ;
Au premier qui lui parle ou jette l’œil sur elle[7],

  1. Var. Que le souverain bien gît à la posséder. (1633-60)
  2. Var. Le jour qu’elle naquit, Vénus, quoiqu’immortelle. (1633-64)
  3. Var. Les Grâces au séjour qu’elles faisoient aux cieux
    Préférèrent l’honneur d’accompagner ses yeux. (1633)
    Var. Les Grâces aussitôt descendirent des cieux. (1644-57)
  4. Var. Voulut à tout le moins loger sur son visage.
    Tirs. (a) Te voilà bien en train ; si je veux t’écouter,
    Sur ce même ton-là tu m’en vas bien conter.
    [Pauvre amant, je te plains, qui ne sais pas encore.] (1633-57)
    (a). Il y Tirsis au lieu de Tircis, dans toutes les éditions antérieures à 1660.
  5. Var. Tel au bout de ce temps la souhaite bien loin. (1633-57)
  6. Var. La beauté n’y sert plus que d’un fantasque soin. (1633-54)
    Var. La beauté ne sert plus que d’un fantasque soin. (1657)
  7. Var. À troubler le repos de qui se formalise. (1633)
    Var. À troubler le repos de qui se scandalise. (1644-57)