Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 1.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
145
ACTE I, SCÈNE I.

30Font naître ce faux bruit d’une vaine apparence :
Ses mépris sont cachés, et s’en font mieux sentir[1]
Et n’étant point connus, on n’y peut compatir[2].

TIRCIS.

En étant bien reçu, du reste que t’importe ?
C’est tout ce que tu veux des filles de sa sorte.

ÉRASTE.

35Cet accès lavorable, ouvert et libre à tous,
Ne me fait pas trouver mon martyre plus doux[3] :
Elle souffre aisément mes soins et mon service ;
Mais loin de se résoudre à leur rendre justice,
Parler de l’hyménée à ce cœur de rocher,
40C’est Tunique moyen de n’en plus approcher.

TIRCIS.

Ne dissimulons point : tu règles mieux ta flamme,
Et tu n’es pas si fou que d’en faire ta femme.

ÉRASTE.

Quoi ! tu sembls douter de mes intentions ?

TIRCIS.

Je crois malaisément que tes affections
45Sur l’éclat d’un beau teint, qu’on voit si périssable[4],
Règlent d’une moitié le choix invariable.
Tu serois incivil de la voir chaque jour[5]

  1. Var. Ses dédains sont cachés, encor que continus,
    Et d’autant plus cruels que moins ils sont connus. (1633)
    Var. Ses dédains sont cachés, bien que continuels,
    Et moins ils sont connus, et plus ils sont cruels. (1644-57)
  2. Var. Puisqu’étant inconnus, ou n’y peut compatir. (1660)
  3. Var. [Ne me fait pas trouver mon martyre plus doux :]
    Sa hantise me perd, mon mal en devient pire,
    Vu que loin d’obtenir le bonheur où j’aspire,
    Parler de mariage à ce cœur de rocher. (1633-57)
  4. Var. Arrêtent en un lieu si peu considérable
    D’une chaste moitié le choix invariable. (1633-60)
  5. Var. Tu serois incivil, la voyant chaque jour,
    De ne lui tenir pas quelques propos d’amour. (1663 et 64)