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MÉLITE.

en lui-même. « Ce ne sera pas un petit plaisir pour le monde, lit-on dans la Lettre du sieur Claveret, si vous continuez à vous persuader d’être si grand poète ; il est vrai que dès le premier voyage que vous fîtes en cette ville, les judicieux reconnurent en vous cette humeur. » Toutefois l’assurance de Corneille ne l’empêchait pas de profiter de tout ce qui pouvait compléter son éducation poétique. « Un voyage que je fis à Paris pour voir le succès de Mélite, dit notre poëte dans l’Examen de Clitandre, m’apprit qu’elle n’étoit pas dans les vingt et quatre heures : c’étoit l’unique règle que l’on connût en ce temps-là. J’entendis que ceux du métier la blâmoient de peu d’effets et de ce que le style en étoit trop familier. »

Depuis lors il s’attacha d’une manière assez constante à la règle des vingt-quatre heures. Quant aux critiques qui lui étaient adressées, il y répondit par Clitandre, qui ne fut, s’il faut en croire Corneille, qu’une démonstration, assurément très-victorieuse, du mauvais effet des coups de théâtre et des intrigues compliquées.

Non-seulement Mélite eut un grand succès sur le théâtre de Mondory, mais elle figura bientôt avec honneur au répertoire des principales troupes de province. Dans la Comédie des comédiens de Scudéry, un acteur à qui l’on demande ce que ses camarades peuvent jouer, indique d’abord les pièces de Hardy et le Pyrame de Théophile, puis il ajoute : « Nous avons aussi la Sylvie, la Chryséide et la Sylvanire, les Folies de Cardénio, l’Infidèle confidente, et la Filis de Scire, les Bergeries de M. de Racan, le Ligdamon, le Trompeur puni, Mélite, Clitandre, la Veuve, la Bague de l’oubli, et tout ce qu’ont mis en lumière les plus beaux esprits de ce temps. »

Cette Comédie des comédiens fut jouée dans sa nouveauté, le 28 novembre 1634, à l’Arsenal, aux noces du duc de la Valette, du sieur de Puy Laurens et du comte de Guiche, en présence de la Reine. Selon la Gazette extraordinaire du 30 novembre 1634, qui donne des détails étendus sur cette représentation, « la comédie qui fut représentée en vers fut la Mélite de Scudéry, où vingt violons jouèrent aux intermèdes. » Mais le 15 décembre suivant cette erreur fut ainsi corrigée :« Vous serez avertis pour la fin, qu’au récit des trois noces dernièrement faites à l’Arsenal, la comédie en prose étoit de